Privation du droit à l’avortement : loi anti-femmes

Article : Privation du droit à l’avortement : loi anti-femmes
Crédit: Freepik
30 juin 2022

Privation du droit à l’avortement : loi anti-femmes

Illustration d'une manifestation pro avortement
Illustration d’une manifestation pro avortement (Source: Freepik)

Depuis quelques semaines déjà, des manifestations ont lieu sur le sol américain et ailleurs dans le monde en solidarité, sans que je n’y prête vraiment attention. C’est le mois de la « pride », souvent très animé au vu des activités menées à cette effet. La communauté LGBTQ+ est bien connue pour ses célébrations plus que colorées et festives. Et pourtant, ces manifestations sont le fruit de la Cour suprême des Etats-Unis qui, a décidé de réviser le droit à l’avortement. Et ce 24 juin 2022, la décision de limiter le droit à l’avortement est tombée. Droit, qui jusqu’ici et depuis 1973 était couvert par le 4ème amendement de la constitution des Etats-Unis d’Amérique.

Contexte

Je suis outrée par cette décision du fait de la posture des USA qui se targue d’être un pays de liberté. Au vu surtout des alternatives qui y sont offertes en matière de naissance : la FIV ( fécondation in vitro), la GPA (gestation pour autrui) en plus de l’adoption pour tous. Pourquoi donner autant de latitudes aux personnes désireuses (pour certaines) de fonder une famille et empêcher celles qui n’en veulent pas ? Je précise que je parle des familles désireuses d’avoir des enfants à charge. Car malheureusement certaines le font pour des mauvaises raisons. Aux USA, les familles d’accueil sont subventionnées pour chaque enfant gardé, certaines en ont même fait un business. En Afrique, on te dira « l’enfant c’est pour tout le monde » or une enquête menée par Brut il y a quatre ans, révélait déjà le calvaire des enfants placés au Bénin, chose très commune en Afrique.

Ce débat me fait penser à mon pays le Cameroun, pour qui cette question ne se pose même pas. En effet ici, toute personne s’étant rendue coupable d’un avortement a enfreint la loi et doit être punie. C’est le aussi le cas dans plusieurs autres pays africains plus précisément la majorité. Mon avis est connu de la plupart, dans mon article sur la maternité J’abordais déjà le sujet de la maternité en Afrique, du moins la vision qu’on en a. Mais dans cette nouvelle lecture, j’irai un peu plus profondément au risque d’en choquer certains.

La position du Cameroun sur l’IVG

Selon le Cameroun Tribune, 2000 femmes meurent chaque année au Cameroun en essayant de donner la vie . Il est toujours important de souligner les causes principales : la précarité et l’incompétence. Or, on vous dira ici que donner la vie est une bénédiction. Même si les plateaux techniques sont pauvres et vétustes et que certains personnels de santé soient proches du charlatanisme. J’ose à peine imaginer combien de vies sont perdues lors des IVG (interruptions volontaires de grossesses) faites clandestinement. Parce que oui malgré que ce soit puni par la loi, il y a des avortements au Cameroun. Mais alors dans quelles conditions ?

Il y a d’ailleurs une chanson très connue au Cameroun, « turlipiner » d’un artiste nommé Donny Elwood qui relate ce fait de société. Fort heureusement, le dénouement est plus heureux mais ce n’est pas toujours le cas. En résumé, au Cameroun, l’IVG est interdite, mais elle est pratiquée, on le sait tous et on regarde ailleurs. Au lieu de faire évoluer une loi plus qu’obsolète qui met en danger la vie de camerounaises.

Loi contre l’avortement et sa contre productivité

Keep abortion legal (Source: Freepik)

Dans mes souvenirs d’adolescente, pour entendre réellement parler de sexualité, il fallait que ce soit le 1er décembre, journée de lutte contre le SIDA. Ce jour là, il y avait une promo ou des distributions gratuites de préservatifs. Non sans un regard accusatoire des distributeurs, qui te jugeaient dès que tu manifestais un peu d’intérêt à leur campagne. Chose qui a été interdite quand j’étais au lycée, au motif d’incitation à la débauche et atteinte aux bonnes mœurs. Comme si avoir des préservatifs signifiait forcément « coucher ». Alors que les adolescents sont très certainement les plus touchés par le problème de grossesses indésirées.

Je ne saurais dire quel est le rapport gynéco/nombre d’habitants au Cameroun mais je peux affirmer sans risquer de me tromper qu’il est faible et encore plus dans les zones rurales. Zones où l’accès aux contraceptifs de base est difficile à cause du faible approvisionnement dû à l’enclavement de certains sites et la précarité économique et sanitaire couplés à la faible scolarisation. En ville, même les jeunes femmes qui ont été sensibilisées aux contraceptifs, ont du mal à s’y familiariser à cause notamment du prix de ces derniers et la désinformation tout autour.

Je parle de désinformation parce que malheureusement au Cameroun, tout le monde se croit médecin. C’est ainsi que se colportent dans les rues des informations visant à discréditer la contraception. D’après certains, « le préservatif diminue le plaisir et contribue aux troubles de l’érection », « la pilule ainsi que les injections hormonales rendent stériles », « le stérilet donne le cancer »… J’en ai entendu plusieurs de ce genre ! A la place, les alternatives sont des plus grotesques : boire du miel, du citron, des antalgiques avec du whisky, se laver le vagin avec du savon après le rapport etc. Alternatives dont l’efficacité reste à démontrer avec une dangerosité établie.

Et si on se disait la vérité sur l’avortement ?

Témoignage d’une internaute sur le traumatisme de ne pas avoir été désirée

J’ai encore le souvenir d’une époque où retrouver des nourrissons dans des poubelles, des caniveaux ou autres étaient monnaie courante. Peut-être avaient-elles écouté ces conseils au lieu de tout simplement prendre un contraceptif d’urgence ? Avaient-elles les moyens de s’en procurer ? Les charges financière et mentale étaient-elles trop grandes pour elles ? Pensaient-elles ne pas pouvoir être de bonnes mamans ?

Toutes ces réponses pourraient éventuellement rendre cet acte dans lequel, je vois un profond désespoir un peu compréhensible peut-être, mais quand bien même… Les conjectures sociale et économique font que le contrôle de naissance est à prendre au sérieux. Et la responsabilité de tous doit être mise à contribution. Il n’y a nul besoin de prendre le risque de faire subir à soi-même ou à quelqu’un d’autre des choix ô combien douteux. Sous le prétexte que « Dieu nourrit les oiseaux du ciel, combien de fois les êtres sur terre! ».

La question qui me revient souvent des « anti-avortement » est la suivante : et si tes parents avaient décidé de ne pas te mettre au monde ? Je n’aurai pas été là aujourd’hui à écrire ce texte qui me révolte. Ni ne connaitrais la dépression, la maladie, la pauvreté, les études, le chômage. Je suis sûre que ça ne m’aurait pas manquer. D’ailleurs je ne saurais même pas ce que c’est. Les enfants sont des êtres innocents qui n’ont pas demandé à venir au monde. En faire est un choix qui nous est dû à nous femmes. On a coutume chez nous de dire que l’enfant c’est d’abord celui de la maman. Si elle n’est pas prête à l’être pourquoi l’y contraindre? Est-il plaisant de voir des enfants malheureux ? Aucun enfant ne mérite d’être un indésirable, le droit à l’avortement est un droit humain.

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